mercredi 31 juillet 2024

Qui est Paul Watson ? voici un article de Monde qui semble bien résumer la personnage.

 


https://www.lemonde.fr/planete/article/2012/09/14/le-militant-ecologiste-paul-watson-prisonnier-des-mers_1760339_3244.html

La petite association Ecologie sans frontières, invitée à y participer, a prévu de brandir, en pleine réunion avec le chef de l'Etat, un portrait du bouillant capitaine.

La veille, lors d'un entretien informel avec le président, en présence de huit associations, Nicolas Hulot avait déjà longuement plaidé la cause de Paul Watson. Car le défenseur des baleines et des animaux marins depuis quarante ans est un fugitif désormais obligé de vivre sur un bateau écumant les eaux internationales, peut-être jusqu'à la fin de ses jours.

Un homme de 61 ans qui se targue d'avoir fondé et développé l'ONG écologiste la plus pugnace de la planète, Sea Shepherd ("berger des mers"), qui a affronté les baleiniers soviétiques ou japonais, les Canadiens traqueurs de bébés phoques, les braconniers de toutes nationalités sur toutes les mers du globe… Et qui a envoyé par le fond bon nombre de bateaux – sans jamais faire de morts.

Pour les Japonais, dont il combat sans relâche la pêche à la baleine en Antarctique et qui font tout pour le briser, c'est un "écoterroriste". Pour nombre d'ONG, qui dénoncent son culte de la violence, c'est un camarade gênant et pour d'autres un "héros de l'écologie", tel que Time Magazine l'a sacré en 2000.

Les représentants d'Ecologie sans frontières ont lancé une pétition, signée par les grands défenseurs de l'environnement, de Yann Arthus-Bertrand à Nicolas Hulot, sans oublier Isabelle Autissier, Allain Bougrain-Dubourg ou des politiques, comme les eurodéputés Daniel Cohn-Bendit et José Bové, ou même la sénatrice UMP Chantal Jouanno. Son but ? Sensibiliser le chef de l'Etat à la situation d'un homme traqué, afin que la France accueille ce réfugié d'un nouveau genre.

Les nombreuses personnalités qui soutiennent son action, le dalaï-lama, les acteurs Sean Penn, Sean Connery, Martin Sheen, Pierce Brosnan, Daryl Hannah, les musiciens de Red Hot Chili Peppers, mais aussi, en France, les cinéastes Jacques Perrin et Mathieu Kassovitz, vont relayer cette demande, à laquelle Paul Watson s'associe.

Pourquoi cette chasse à l'homme ? En mai, Paul Watson est arrêté par les autorités allemandes alors qu'il fait escale à l'aéroport de Francfort. L'Allemagne a réagi à un mandat d'arrêt émis par le Costa Rica, pour des faits remontant à 2002. Alors en mission pour le gouvernement du Guatemala, soucieux de lutter contre la pêche illégale aux ailerons de requin dans ses eaux territoriales, Paul Watson s'en prend à des braconniers costaricains, qu'il surprend en pleine pêche.

Comme le rappelle William Bourdon, son avocat français, personne n'a été blessé lors de l'intervention de Sea Shepherd, et aucun matériel n'a été endommagé. Paul Watson est néanmoins poursuivi dix ans après les faits par le Costa Rica pour "mise en danger de la vie d'autrui", alors même que deux juges costaricains successifs ont prononcé un non-lieu à l'époque des faits.

Me Bourdon dénonce une nouvelle procédure, "totalement fabriquée, organisée par le Japon", ce pays utilisant sa puissance commerciale pour pousser le Costa Rica à agir.

DÉPART CLANDESTIN

Les pressions japonaises sur Paul Watson et son organisation ne relèvent pas d'une vision complotiste de l'existence : un document classé par le département d'Etat américain et révélé par WikiLeaks au journal espagnol El Pais, en janvier 2011, démontre que des discussions ont bien eu lieu entre des représentants du gouvernement japonais et la secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, dans le but de retirer à l'ONG son statut caritatif, et de supprimer les déductions fiscales qui l'accompagnent, pour les donateurs. Mais elles n'ont pas abouti.

A la suite de son arrestation, assigné à résidence à Francfort, Paul Watson y est protégé par Daniel Cohn-Bendit, qui lui fait rencontrer son avocat. Apprenant par des fuites que l'Allemagne se prépare à l'extrader, le capitaine organise son départ clandestin le 22 juillet, se coupe la moustache, porte une perruque et parvient, méconnaissable, à l'aide de complicités multiples, à rejoindre un bateau qui file vers la haute mer.

Paul Watson est canadien, fils d'une famille de pêcheurs qu'il a quittée quand il avait 15 ans, mais il est en délicatesse avec son pays en raison de son opposition constante à la chasse aux phoques. Quant aux Etats-Unis, Sea Shepherd affirme n'avoir obtenu d'eux "aucune garantie".

William Bourdon estime aujourd'hui que "l'Europe, la France, s'honoreraient à accueillir ce réfugié politique d'un type nouveau, qui lutte pour protéger la biodiversité, contre tous les cynismes, en risquant sa vie".

On l'a compris, Paul Watson n'a pas que des amis. Il ne fait d'ailleurs rien pour en avoir. "Je n'ai jamais eu pour ambition de gagner un concours de popularité", confie-t-il, dans un livre coécrit avec Lamya Essemlali, présidente de Sea Shepherd France, et intitulé Entretien avec un pirate (Glénat, 320 p., 22 €).

Ses démêlés avec Greenpeace sont légendaires. Il a pour cette ONG, dont il est membre fondateur – "membre de la première heure", préfère Greenpeace – avant d'en être exclu en 1977, toutes les tendresses : la "dame Tupperware de l'écologie", "conservatrice", est devenue "l'un des grands acteurs du business de la bonne conscience dans le monde".

Greenpeace n'est pas en reste, dénonçant son jusqu'au-boutisme contre-productif. "En 2010, Sea Shepherd a fait échouer les négociations avec le Japon qui acceptait enfin de ne plus chasser en Antarctique, en échange de la possibilité de chasser, sous contrôle de la Commission baleinière internationale, au large du Japon. Une chance historique se présentait pour que les mers australes soient ce qu'elles auraient dû toujours être, un sanctuaire pour les baleines. On se serait occupés dans un deuxième temps de la chasse au large du Japon, beaucoup plus accessible que l'Antarctique. Mais il a tout fait capoter", dénonce le photographe Pierre Gleizes, une des figures de Greenpeace.

Paul Watson n'est en effet pas un homme de compromis. Il explique à ceux qui veulent le rejoindre dans son combat que "pour sauver les baleines, il faut être prêt à mourir", et ne voit dans les conférences internationales que "fumisterie et miroir aux alouettes". Il ne prétend pas non plus faire fonctionner démocratiquement Sea Shepherd.

"Les navires n'ont jamais été dirigés de manière démocratique, c'est cette règle qui nous a permis de rester fidèles à notre esprit d'origine et de ne pas diluer notre âme combative dans la compromission."

Sea Shepherd est donc logiquement resté une petite structure – une trentaine de permanents, 11 millions de dollars de budget, cent mille adhérents –, alors que Greenpeace est trente fois plus gros. Une volonté de pureté idéologique qui cache peut-être la volonté inconsciente du père fondateur d'en rester toujours le maître. Certains de ses détracteurs le traitent même de "gourou".

Difficile à croire, car tous ceux qui ont souhaité s'éloigner l'ont fait librement et sans drames. Ce qui est exact, c'est que Paul Watson fait l'objet dans son mouvement d'un certain culte de la personnalité, et que lui-même ne déteste pas sculpter sa légende. Il explique qu'il est un activiste écologiste depuis l'âge de 11 ans, et pose sur la banquise seul face à de gigantesques baleiniers. Il est vrai qu'il a subi des épreuves peu banales et vécu nombre d'aventures.

Capturé par des chasseurs de phoques en 1977, il tombe dans l'eau glacée, perd connaissance et se retrouve à bord du phoquier. "Quelques chasseurs m'ont traîné sur le pont dans le sang et la graisse de phoque, ils m'ont roué de coups de pied et craché dessus, ils m'ont écrasé la figure dans la pile de peaux graisseuses et sanguinolentes. J'entendais derrière moi les types brailler : "Enfonce-lui cette satanée fourrure au fond de la gorge !""

Cette mystique de l'engagement et de la souffrance physique lui assure des fidélités indéfectibles, comme celle de Sam Simon, producteur américain des Simpson, qui a intégralement payé le quatrième bateau de la flotte de Sea Shepherd, qui défie depuis 2008 les baleiniers japonais dans l'Antarctique.

Pour ses détracteurs, si Paul Watson aime tant les animaux, c'est qu'il déteste les hommes. Vieille antienne, que l'on sert toujours aux défenseurs acharnés de la cause animale, mais qui, dans son cas, n'est peut-être pas totalement fausse.

"C'est certain, je ne suis pas un grand fan de l'espèce humaine dans son ensemble", confie, dans Entretien avec un pirate, celui qui a "juré allégeance aux victimes de l'humanité". Son regard sur ses congénères – "des primates arrogants et incontrôlables" – est, disons, peu amène : "Le monde est rempli de foules décérébrées qui vivent dans des univers fantaisistes basés sur la religion ou le divertissement."

Il récuse pourtant toute misanthropie et se définit avant tout comme biocentriste, ce qui signifie que les humains ne sont qu'une espèce parmi d'autres. Il n'est pas loin de penser qu'il faudrait à une humanité trop nombreuse, violente, et prédisposée au sadisme, un permis pour se reproduire. Daniel Cohn-Bendit se souvient, lui, d'avoir croisé "un bon vivant extrêmement chaleureux".

Prisonnier en haute mer, Paul Watson sait sûrement déjà que Greenpeace France a signé la pétition en sa faveur, et donc a accepté de lui tendre la main. Enterrer la hache de guerre après trente-cinq ans de divorce ? La cause qu'ils défendent le vaut bien.