Mon poste d'observation.
Résultat de ma veille sur
l’observation
des cétacés à Ouessant.
Et récolte des
observations d’autrui.
Andréas Guyot : 2014.
Résumé :
L’article
présente les résultats de mes longues veilles depuis la pointe de Kadoran afin
d’observer des cétacés vivants à partir du rivage d’Ouessant. Ainsi qu’une
récolte des différentes observations par des témoignages oraux depuis
l’ouverture de la station ornithologique en 1984. Ce qui représente un total de
10 cétacés.
Avertissement :
Ce
que je vous livre, est le résultat d’une passion, d’un témoignage de terrain, je
suis un autodidacte de 66 ans passionné par le visuel et l’émotion que me
procurent les cétacés. Je vous le présente comme je l’ai vécu et analysé avec
des réflexions, des doutes, de part mes expériences naturalistes et mes
lectures.
Présentation :
Tout
commence donc en 1985 lorsque je découvre l’existence de la station
ornithologique (aujourd’hui CEMO), ouverte un an plus tôt. Il me faut attendre
1986/1987 pour observer mes premiers cétacés, des dauphins communs trouvés par
4 Danois lors d’une séance d’observation d’oiseaux marins en migration.
Ma
joie fut immense car comme beaucoup d’enfants j’aimais les dauphins étant
jeune, c’était pour moi une découverte que d’en voir en vrai dans leur milieu naturel
et devant le phare du Créac’h.
J’ai
donc multiplié les veilles au pied de ce phare mythique certes pour observer
les oiseaux marins mais avec l’espoir d’y voir des cétacés. De toutes ces
années jusqu’en 2010, j’ai observé depuis ce lieu des grands dauphins et des
dauphins communs, mais aussi un requin pèlerin.
De son côté, Yvon Guermeur le directeur du centre allait observer l’avifaune
à la pointe de Kadoran, avec son véhicule, et il voyait aussi des cétacés.
Toutes ces informations nous étaient relatées le soir au moment du LOG.
(Réunion où chaque naturaliste transmet ses observations).
Pour nous qui n’étions qu’en vélo, il était plus commode de
retourner le lendemain au Créac’h à 500m du centre ornitho, d’autant plus qu’il
nous fallait transporter la longue-vue, mais je le fis quelquefois, du centre à
Kadoran aller-retour il y a 14km. Néanmoins j’ai prospecté sur les
différentes pointes de l’île.
Depuis
3 ans afin d’être au plus près de Kadoran, je loge à l’auberge de jeunesse en
haut du bourg.
Récolte des observations : 1984/2014.
Lors
de toute collecte d’observation, il se pose l’éternel doute de la viabilité des
dites informations, comme c’est trop souvent le cas, les photos y sont
absentes.
Quasi
toutes les données récoltées l’ont été lors des séances d’observations au cours
du suivi migratoire des oiseaux marins depuis le rivage nord d’Ouessant.
-
Globicéphale noir : (sans nom d’observateur). S’il est incontestable de ne pas nier sa
présence en mer d’Iroise, photo dans le goulet de Brest (François de Beaulieu
1994, p 50), (Hussenot. Prieur 1984, p 32), l’espèce semble avoir un statut
trop optimiste qualifié d’abondant. (Océanopolis 2000, p 11).
-
Dauphin de Risso : en 2000 par Alain de Broyer.
-
Petit rorqual : une observation d’un saut par Eric Mathieu lors d’une
pêche.
-
Rorqual commun : par Yvon Le Corre, dans l’ouest d’Ouessant lors
d’une sortie en mer pour observer les oiseaux marins.
-
Orque : observation de 4 orques à Kadoran en 89/90 par Jean-Laurent
Lucchesi.
-
Cachalot : une observation par Hervé Darmendieu. Puis celle du samedi
20 octobre 2012 à Kadoran puis au Créac’h, par un couple de Lyonnais vers 10h,
alors que je prenais le bateau à 11h30 ce même jour.
À la lecture des différents articles dans
la bibliographie que je possède, il semble que seul Ouessant concentre autant
de données de cétacés vivants, en mer d’Iroise mais aussi en Bretagne,
c'est-à-dire 10 espèces de cétacés en 30 ans de présence naturaliste 1984/2014.
Cela me semble dû à la situation morphologique de l’île avec ces fonds abrupts
proches du rivage.
Environ
vingt espèces de cétacés ont été observées au moins une fois en Bretagne.
(Océanopolis 2000, p 9). Le point visuel autour d’Ouessant en concentrait donc
50%, ce qui est très important.
Résultats de
mes postes de veilles :
Pyramide du Runiou : depuis ce site j’ai observé des gros groupes
de Dauphins
+
100 pour les dauphins bleu-blanc
+
200 pour les dauphins communs.
Ce
site présente un gros problème, il est situé à contre jour, en plein Sud-ouest
et il est très fatiguant pour la vue à cause des reflets sur la mer, je l’ai
vite abandonné.
Penn-Arland à la croix de
Saint Pol : ce
site serait assez bien placé, s’il n’y avait pas les puissants courants marins
qui gênent considérablement l’observation à cause du clapot. Je n’y ai fait que
de trop rares observations.
La pointe de
Kadoran : c’est
véritablement de ce point au nord-est d’Ouessant que j’ai commencé mes
observations depuis 2011 et 2012. J’ai donc effectué des veilles très importantes
en nombre d’heure de 10h à 12h et de 15h à 17h, pendant deux semaines soit
autour de 60h par année.
Pourquoi
2011 et pas avant, parce que j’étais en manque de cétacé. C’est en effet en 2010
que les stages de découverte des cétacés pendant « La croisière de
baleines » que j’avais créé et organisée depuis 2000 ont pris fin à cause
de la suppression de la ligne de ferry de la P&O, (une compagnie anglaise) entre
Portsmouth et Bilbao.
Dès
2013 j’ai modifié mes horaires afin d’avoir une plus large amplitude
d’observation de 10h à 17h voir 18h en fonction de la météo et cela pendant 10
jours soit autour de 70h par année et j’ai poursuivi cet horaire en 2014 afin
de compenser les délais de stationnement sur le parking du Conquet qui ne me
permettent plus de rester 15 jours sans changer ma voiture de place.
Résultat
des mes observations après 260 h de veille :
-
Le dauphin commun autour
d’Ouessant est vraiment très abondant, puisque les observations sont quasi journalières
depuis la pointe de Kadoran, avec quelques fois des groupes de 200 à 250 ind,
mais plus régulièrement des sous groupes de 25 à 50 dauphins.
J’ai
pu analyser qu’il y avait une interaction entre la pêcherie du Bachou et la présence
des dauphins communs lors du jusant de la Manche, cette zone de haut fond au large
de l’île Keller est une source importante d’alimentation pour eux, comme elle
l’est aussi pour les fous de Bassan avec souvent des centaines d’oiseaux, voir
jusqu'à plus d’un millier, mais aussi des labbes, puffins et laridés.
-
Le marsouin commun (2 ind)
est toujours observé et uniquement par mer calme dans la baie de Porz Glas et
allant au-delà de la roche d’Ar C’haor, vers la baie de Toull Aoroz.
-
Le grand dauphin (hormis
Randy) est observé en groupe entre 15 et 20 ind, passant devant Kadoran pour
aller pour un grand moment dans la baie de Béninou.
À
ce sujet en ayant lu très attentivement Les Mammifères Marins de Bretagne (Océanopolis
2000, p 33 & 58) il est écrit que les populations de Sein et de l’archipel
de Molène ne se mélangent pas.
Je
suis donc incapable de dire si les grands dauphins de Kadoran/Baie de Béninou
sont ceux de l’archipel de Molène. Sans embarcation il m’est impossible d’effectuer
de la photo-identification dans la baie de Béninou, d’autant plus qu’ils
présentent une activité très réduite qui s’apparente à celle du repos (Océanopolis 2000, p 83).
La
situation de grand dauphin autour d’Ouessant est peu connue dans la
littérature, seulement deux observations en 1978 et 1980 (Hussenot 1980).
Mon
objectif en 2013 et 2014 était d’observer des globicéphales noirs décrits comme
abondant dans les cahiers naturalistes de Bretagne : (Océanopolis 2000), mais
je n’en ai toujours pas observé, c’est dommage car c’est une observation
anonyme que j’envisageais de balayer.
L'observation est envisageable car comme l'écrit (Eric Hussenot:
1979). "Comme pour le dauphin commun, la présence du Globicéphale
dans les eaux côtières pourrait résulter d'un facteur alimentaire. La sardine
se trouve en juin en Baie d'Audierne et jusqu'en Octobre en Baie de Douarnenez,
ce qui correspond à nos maximas d'observation en mer".
L.
Soulier via I. Castège et G. Hemery 2009, dans Oiseaux marins et cétacés du
golfe de Gascogne, au chapitre ; Répartition des cétacés communs, page
155, conclut : « Le
globicéphale noir est une espèce grégaire vivant au large » et son
tableau des observations présente l’espèce en limite du plateau continental. Ce
qui correspondrait plus à l’absence d’observation après 260h de veille à
Kadoran.
- Le dauphin bleu-blanc je ne l'ai observé qu'une fois, un gros groupe au sud-ouest
de l'île, depuis la pyramide du Runiou, au nord de l'île à la pointe de
Kadoran, il y a un doute d'une observation individuelle, mais cela ne
correspond pas à sa biologie.
Si
j’ai observé certes une fois des dauphins bleu-blanc depuis dans le sud au Runiou,
je n’en ai jamais vu depuis le nord à Kadoran avec certitude, Jean-Claude
Hänggeli qui m’a rejoint en 2013,
a émis ce doute et seule une photo pourra permettre la
présence certaine.
À
ce jour et après 260 heures de veille à Kadoran, seulement 3 espèces de cétacé ont
été observées. C’est dire si la tâche est ardue et demande de la volonté.
Pourquoi
choisir toujours cette période de fin septembre et début octobre ? Parce
qu’elle correspond à la migration des grands cétacés. Je tiens cette expérience
de mes stages sur dix années d’observation depuis la ligne de ferry passant au
large d’Ouessant. Du ferry j’avais observé un petit rorqual avec Ouessant en
fond, l’espoir fait vivre de l’observer depuis l’île.
La
situation d’Ouessant à 22 km
en mer semble permettre d’observer des grands cétacés pélagiques quasi impossibles
d’observation le long du littoral côtier du continent, d’autant plus que les
fonds devant Kadoran sont très vite à plus de 70m, donc plus favorable pour eux,
alors qu’ils ne dépassent guère les 50m dans l’archipel de Molène.
À
la lecture de l’étude d’Océanopolis (2000, p 34) Ouessant a été séparé de la
zone d’étude de l’archipel de Molène, ce qui est scientifiquement compréhensif.
Alors
est-ce que cette veille, quoique si faible par son amplitude dans le temps
d’une année civile, peut nous enrichir sur la connaissance migratoire des grands
cétacés devant Ouessant ? La question est posée en d’autres termes ; (Océanoplolis
2000, p 88).
La
récolte des 6 observations par autrui de cétacés vivants me motive dans ma
passion du regard vers le large afin de découvrir cette migration au large de
Kadoran.
Occurrence
autour de l'île d'Ouessant:
Dauphin
commun: Delphinus delphis, Régulier.
Grand
dauphin: Tursiops truncatus, Régulier.
Marsouin
commun: Phocoena phocoena. Régulier.
Dauphin
bleu blanc: Stenella coeruleoalba, Occasionnel.
Globicéphale
noir: Globicephala melas, Occasionnel.
Cachalot:
Physeter macrocephalus, Occasionnel.
Dauphin
de Risso: Grampus griseus, Occasionnel.
Orque:
Ocinus orca, Occasionnel.
Petit
rorqual, Balaenoptera acutorostrata, Très occasionnel.
Rorqual
commun, Balaenoptera physalus, Très occasionnel.
Bibiliographie
Castège
I., Hémery G. (coords), 2009. Oiseaux marins et cétacés du golfe de Gascogne. Répartition,
évolution des populations et éléments pour la définition des aires marines
protégées. Biotopes, Mèze ; Muséum national d’Histoire naturelle, Paris,
176 p. (Collection Parthénope).
De
Beaulieu F., Hussenot E., Ridoux V. 1994. Mammifères Marins de nos côtes.
Chasse-Marée/ArMen ;
Abri du marin, Douarnenez, 136 p. (Collection La nature et les hommes).
Hussenot
E., 1979. Observations en mer et échouages de quelques petits cétacés en
Bretagne. Penn ar Bed 96 : 11 – 32.
Hussenot
E., 1980. Le Grand Dauphin Tursiops
truncatus en Bretagne. Penn ar Bed 103 : 355 – 380.
Hussenot E., Prieur D.,
1984. Mammifères et oiseaux de nos côtes. Editions maritimes & d'outre-mer,
Paris. 191 p.
Ridoux
V., Liret C., Creton P (†)., Hassami S. 2000. Etudes et conservation
des mammifères marins de Bretagne. Biotopes, Mèze ; Laboratoire d’étude
des mammifères marins-Océanopolis. Région Bretagne, 144 p (Collection Les
cahiers naturalistes de Bretagne).