Le mystère de son intrusion dans la Seine reste entier. Aux yeux de la présidente de Sea Shepherd France, Lamya Essemlali, il a pu être désorienté par la pollution sonore du chantier éolien au large de Dieppe.
Que pensez-vous de cette hypothèse ? ( du Journal Reporter)
Elle a raison d’évoquer les pollutions sonores. Seulement, le béluga ne s’était pas perdu à Dieppe. Il était déjà paumé avant d’arriver en Écosse.
Cette espèce vit habituellement dans les régions arctiques et subantarctiques.
De nombreux clans sont présents dans l’estuaire du Saint-Laurent, au Canada, ou encore au nord du Groenland. Ils s’aventurent très rarement plus au Sud, le long des côtes américaines, et encore moins ici, le long des côtes françaises ou dans la Seine. C’était tout à fait anormal.
Comment expliquer qu’il se soit retrouvé là, à plusieurs milliers de kilomètres des siens ?
Les animaux migrateurs, dont le béluga, se servent beaucoup de leur sens du magnétisme pour s’orienter. Or, depuis une décennie, le pôle Nord magnétique migre de 50 kilomètres vers l’Est chaque année.
Un déplacement très rapide, lié au mouvement interne du magma. Il y a quelque temps encore, il se trouvait côté canadien, et le voilà désormais en Sibérie.
Les animaux s’orientant grâce à ce pôle peuvent alors être désorientés de quelques degrés. Une petite différence qui, sur des milliers de kilomètres, les conduira irrémédiablement vers une autre région du monde, car les animaux ne reviennent jamais en arrière.
S’ils se trompent de route, ils tentent de trouver une solution vers l’avant... au risque de se perdre.
Le magnétisme terrestre peut aussi être modifié localement par les remontées de magma. La récente prééruption d’un volcan en Islande a potentiellement induit en erreur ce béluga qui passait dans les environs.
Ce n’est qu’une hypothèse, mais elle est sérieuse. Les ornithologues en savent quelque chose, cela arrive très fréquemment chez les oiseaux.
Par ailleurs, il peut y avoir eu des exercices militaires dont nous ignorons la teneur, dans la région canadienne ou la région arctique.
Les sonars des sous-marins, et surtout ceux des chasseurs de sous-marins, sont extrêmement puissants et perturbants pour tous les cétacés.
Toutes les 30 secondes, ils sont harcelés par une sorte d’alarme, équivalente à celle d’une maison, juste à côté de leurs oreilles. C’est hallucinant.
La modification des courants marins, liée au réchauffement climatique, peut-elle aussi être à l’origine de la déroute du béluga ?
Oui. Dans les régions polaires, sous la glace, l’eau est extrêmement froide et salée, ce qui la rend lourde. Elle coule donc vers le fond marin, ce qui induit tout un mouvement des eaux de surface vers le Nord pour compenser ce manque.
Sauf qu’avec le réchauffement climatique et la fonte des glaces, ce phénomène se fait plus rare et les courants marins sont modifiés.
Ajoutez à cela les changements de densité de l’eau, et les cétacés, qui s’appuient sur la saveur et les mouvements de l’eau pour se déplacer, se retrouvent désorientés.
Il y a aujourd’hui toutes sortes de bouleversements, à la fois liés à des causes magnétiques, purement internes à la Terre, et à des perturbations humaines.
Et n’oublions pas une autre hypothèse : ce béluga était peut-être simplement à la recherche de nourriture, parce que nos chalutiers géants ont dépeuplé les mers et continuent à ravager des zones, où un certain nombre de ces animaux vont mourir.
Une baleine grise de l’océan Pacifique observée en Méditerranée en mai 2021, une orque aperçue dans la Seine